Considérations techniques sur la fabrication du savon
En l'honneur de ma première batch loupée, voici quelques conseils à l'attention des débutantes. Les plus attentatives d'entre vous verront la corrélation avec la nouvelle entrée à ma biblio ; j'ai nommé... the Soapmaker Companion !
Je discuterais donc de trois points : la quantité de liquide de dissolution de la soude, la température et la trace.
La Quantité de liquide de dissolution de la soude
Selon les recommandations du calculateur TheSage, celle-ci doit être comprise entre 25 et 38 % de la masse des huiles. A 25%, on parle de quantité minimale, à 38% de quantité maximale et autour de 30%, de quantité moyenne. Théoriquement, toute quantité de liquide comprise dans cette fourchette permet de faire un bon savon...
Cependant, selon ma petite expérience, avec une quantité minimale, la trace est extrêmement rapide et fige immédiatement. Après une consultation de quelques savonnières chevronnées, je me suis rendu compte que la plupart utilisait au moins la quantité moyenne de liquide, si ce n'est la quantité maximale.
De plus, le calculateur Soapcalc (à la page FAQ) recommande lui d'utiliser, par défaut, 38% d'eau par rapport à la masse des huiles. Susan Miller Cavitch, elle, préconise 6 onces d'eau - soit 170 g - (d'eau ou de mélange mi-eau mi-lait) pour une livre d'huiles - soit 400 g - , ce qui fait 42,5% de la masse des huiles. Elle augmente cette quantité quand elle n'utilise que du lait pour dissoudre sa soude : elle passe à 56,7 % de la masse des huiles, arguant du fait que le lait contient une proportion significative de matière grasse, et donc autant d'eau en moins.
Malgré tout, selon elle un savon en fin de cure ne contient que 15% d'eau, la différence s'étant évaporée pendant la saponification.
En parlant de lait, qui contient des matières grasses, le problème à l'utiliser pour dissoudre la soude, c'est que celle-ci va commencer un processus de saponification dans la phase dite de dissolution, ce qui peut être à l'origine de grumeaux. C'est pourquoi beaucoup de savonnières préconisent d'utiliser la quantité minimum d'eau pour dissoudre la soude et de compléter par la suite avec du lait pour atteindre la quantité maximum.
Réo a été à l'origine d'une révolution que je n'avais à l'origine pas comprise : elle préconise d'ajouter ce lait aux huiles et de les mixer ensemble, juste avant d'y incorporer la solution de soude.
N'ayant pas compris, je me suis dit "Pourquoi m'embêter? j'ajouterai le lait à la trace !" Et là j'ai compris pourquoi ! Parce que la trace, obtenue avec une quantité minimale de liquide de dissolution, est tellement rapide et épaisse, qu'il devient quasiment impossible d'y incorporer quoi que ce soit... Alors que j'aurais mis mon lait dans mes huiles, comme Réo le conseille si sagement, j'aurais eu une quantité de liquide bien plus importante, et une trace beaucoup plus souple...
Donc en résumé : je vous recommande le maximum de liquide ! Et si vous voulez mettre un peu de lait, sans vous prendre la tête, je vous propose de dissoudre votre soude dans 25% d'eau, et de mixer vos huiles refroidies avec 15% de lait (les pourcentages étant toujours rapportés à la masse d'huiles utilisées).
La Température
Susan Miller Cavitch préconise trois fourchettes de températures pour démarrer la saponification ; faible : de 27 à 32°C, moyenne : de 35 à 41°C et élevée : de 43 à 60°C. Il s'agit de la température à laquelle on doit amener les huiles d'une part et la lessive de soude d'autre part. Cette température va influer sur la réaction de saponification et sur le comportement de certains ingrédients ; par exemple, l'utilisation de cire d'abeille (dont le point de fusion est de 60°C) implique de travailler à des températures élevées, sous peine de voir apparaître des grumeaux de cire figée dans la préparation.
Selon Susan Miller Cavitch, travailler avec des températures faibles ou élevées accélère la trace.
L'avantage des températures élevées serait que l'on doit moins patienter pour que les préparations refroidissent, que la saponification est mieux engagée au moment de verser la pâte dans les moules et que cela convient à l'utilisation de certains ingrédients à point de fusion élevé.
L'avantage des températures faibles serait que le grain du savon serait plus fin, le risque qu'une fragrance fige la pâte serait moindre et les ingrédients fragiles seraient mieux préservés. De plus, cela éviterait, selon l'auteur, que le savon se déphase une fois moulé.
Les températures moyennes, quant à elles, permettraient une trace plus lente, autorisant des opérations plus délicates, comme les marbrages ou l'incorporation de certains ajouts.
La Trace
La trace est ce moment à la fois tant attendu et redouté où la pâte du savon commence à épaissir. C'est un phénomène qui peut être parfois très long et parfois fulgurant.
De plus, il est important de savoir qu'une fois la trace visible, la pâte à savon continue à épaissir quand bien même on ne mixe plus. Autrement dit : avant de verser la lessive de soude dans les huiles, il est important de préparer ses ajouts pour la trace (ainsi que ses moules, huilés ou chemisés selon), de manière à pouvoir agir le plus vite possible.
Je viens de m'offrir mes premiers béchers en verre (j'utilise un bécher d'1L pour une préparation de 500g d'huiles et c'est tout juste... donc prévoyez large !) et j'ai mixé cette semaine pour la première fois mon savon dans un récipient transparent. C'est merveilleux ! On voit clairement au début deux phases, la lessive de soude en bas et les huiles au-dessus... puis avec le mixage elles commencent à se mêler... quand la pâte est parfaitement homogène, la trace est là. Pour les débutantes qui appréhendent la bête ou pour les pointilleuses qui veulent la contrôler au plus près, je ne saurais que trop vous conseiller le bécher en verre !
Pour les marbrages, il est recommandé d'avoir la trace la plus légère possible. J'ajouterais que si vous voulez utilisez des moules finement ciselés,
une trace fine vous permettra également de faire remonter davantage de bulles
d'air, ce qui vous donnera des savons plus jolis.
Pour imprimer des motifs au savon (comme les vagues décrites par KaFée dans son tuto pour faire des savons à ligne) il vaut mieux une trace plus épaisse.
Voilà pour aujourd'hui... et toute chose n'étant pas veine, mon ratage a été l'occasion de tester un autre méthode : la refonte ! A suivre donc...
Edit du 26 avril : j'ai beaucoup de retard dans ma consultation de la blogosphère... Aussi, ne suis-je tombée que tout récemment sur cet article de Pots sur les soudes ; elle y témoigne comment d'une marque de soude à l'autre, la trace peut être influencée et les vapeurs sont plus ou moins importantes. Je n'aurais jamais cru qu'il y aurait de telles conséquences... A lire absolument !